Conférence intéressante que celle animée par Philipe Kargol, docteur en médecine et anthropologue, sur le thème de l’intégration et de l’assistance vis-à-vis des personnes en situation de handicap dans les sociétés anciennes. Le 6 avril à Seclin, le spécialiste d’anthropologie biologique a évoqué les découvertes et analyses faites par l’archéologie sur le sujet. Est-ce que l’altruisme, la bienveillance vis-à-vis d’autrui est une caractéristique forte de la nature humaine depuis toujours ? Si la réponse n’est pas tranchée par la science, des éléments tangibles permettent de se faire un avis.
Près de 80 personnes ont assisté le 6 avril, à la salle Ronny-Coutteure, à la conférence proposée à l’invitation de la Ville de Seclin et du Centre Archéologique Municipal. Philippe Kargol, médecin et anthropologue, a fait état de nombreux exemples de découvertes archéologiques et d’analyses qui permettent de se faire une idée de la façon dont le handicap était vécu dans la société à travers les âges. « Grâce aux connaissances et technologies actuelles, l’étude des squelettes retrouvés lors de fouilles archéologiques permet de déterminer le temps de survie des individus lorsqu’ils ont subi des fractures ou des traumatismes. Survivre plusieurs années après une fracture du col du fémur, une trépanation, bénéficier d’un appareillage dont il reste des traces renseigne sur les soins apportés aux personnes en situation de handicap par leur communauté. », explique Philippe Kargol.
Des opérations chirurgicales réalisées depuis la préhistoire
A l’époque d’Hippocrate, « père de la médecine » dans la Grèce antique, l’on savait déjà réduire des fractures. Sur des crânes d’êtres humains qui datent de la préhistoire, soit dans des temps encore plus anciens, l’on a même trouvé un trou avec de l’os reformé qui laisse penser à une trépanation faite vraisemblablement pour soulager la personne d’atroces maux de tête et de troubles du comportement. Les archéologues ont découvert de nombreux éléments qui attestent de soins apportés aux personnes en situation de handicap et d’une prise en charge par la collectivité ou la société.
Handicap, altruisme et bienveillance
« L’attention portée aux autres, la bienveillance sont-elles des qualités naturelles fortes inhérentes aux êtres humains depuis toujours ? », se demande le médecin et anthropologue. « A vous de vous faire votre propre avis. » L’interprétation reste un exercice délicat en sciences humaines. L’intégration des personnes handicapées est un bon terrain d’étude, à cet égard. Au Moyen Âge, des personnes appareillées vivaient dans la rue et se voyaient octroyer le droit à la mendicité. Les lépreux relégués à l’écart des villes pour éviter la contagion se voyaient accorder de quoi subsister et se loger. Les êtres humains (y compris l’homme de Néandertal) s’attachaient à des enfants en situation de handicap comme en atteste par exemple les restes d’un enfant datant de 92.000 ans trouvés en Israël à Qafzeh : malgré une importante déformation crânienne, ce jeune individu a survécu une bonne dizaine d’années en compagnie des siens. Des éléments intéressants qui permettent d’avancer des hypothèses sans clore le débat.
Un fémur et des vertèbres soudées mis au jour à Seclin
De nombreux exemples de découvertes archéologiques attestent d’une prise en charge de personnes qui ne pouvaient survivre que grâce à l’aide apportée par l’entourage. Ce qui a inspiré la conférence, ce sont deux découvertes faites près de la collégiale Saint-Piat de Seclin en 2022 par le Centre Archéologique de la commune : un homme au fémur consolidé après une fracture et une partie de rachis aux vertèbres soudées chez une jeune femme atteinte de tuberculose, le tout daté du Moyen Âge. Chacun de ces individus a vécu de nombreuses années. La personne à la colonne vertébrale soudée et déformée devait avoir beaucoup de difficultés à se déplacer et ne pouvait seule subvenir à ses besoins vitaux.
Les élèves de l’Institut de Formation d’Aides-Soignants de Seclin et ceux de la section Aide, Soins et Services à la Personne du lycée professionnel « Les Hauts de Flandre », venus avec leurs professeurs, ont eu tout le loisir de poser des questions au spécialiste qui a présenté après la conférence les ossements de ces deux individus retrouvés près de la Collégiale Saint-Piat par les archéologues seclinois Guillaume Lassaunière et Jérôme Tellier.
