"Seclin est une ville florissante et plutôt agréable à vivre au début du XXème siècle. L'occupation de la commune par l'armée allemande de 1914 à 1918 va créer un véritable traumatisme et engendrer terreur, répression et privations", explique Sophie Chiche, guide-conférencière le 11 novembre, 104 ans jour pour jour après l'Armistice de 1918, lors de la visite proposée par Seclin Mélantois Tourisme et intitulée "Seclin 1914-1918 : une ville derrière les tranchées allemandes".
Lors de cette journée commémorative du 11 novembre 2022, un groupe de vingt-cinq personnes s'est rassemblé sur le parvis de la gare pour suivre la visite animée par Sophie Chiche, guide-conférencière. En 1914, c'est de la gare en effet que les Seclinois sont partis en train comme soldats vers les champs de bataille suite à l'Ordre de Mobilisation Générale frappé du drapeau français. Quatre mois plus tard, l'armée allemande occupait notre ville et ce jusqu'à la fin de la guerre. "Seclin est ainsi passé littéralement à l'heure allemande, explique la guide-conférencière. En effet, les Allemands étaient convaincus au début de la guerre qu'ils allaient rester ici indéfiniment." Seclin est devenu une Etappen Kommandantur, une ville de repos pour les soldats allemands en permission ou blessés de retour du front. Un centre stratégique de cartographie allemande se situait dans les locaux de la brasserie Lepoivre, place Saint-Piat.
Un climat marqué par la terreur et les privations
Et le souvenir de cette période d'occupation de 1914 à 1918 aura fortement marqué les mémoires. Au total, ces quatre années sous le joug de l'armée allemande n'ont pas été un fleuve tranquille, loin s'en faut ! C'est un climat marqué par la terreur et les privations qui s'est rapidement installé pour les civils seclinois. Ainsi, il était interdit de se réunir à plus de trois sur l'espace public sous peine d'être fusillé ! Les Seclinois avaient l'obligation de laisser leur porte ouverte de jour comme de nuit pour les militaires allemands avec interdiction de fermer les volets et de mettre des rideaux aux fenêtres de manière à être constamment sous surveillance. "La population mourait de faim. Le ravitaillement pour les civils français étaient assuré par un comité local de citoyens au bon vouloir des Allemands : les rations avoisinaient les 1200 calories par personne, ce qui est peu. Les réserves de nourriture et le bétail étaient destinés à l'armée allemande et la production industrielle avait pris la route de l'Allemagne.", poursuit Sophie Chiche.
Des inscriptions toujours présentes aujourd'hui en ville
L'on trouve encore des stigmates de l'occupation allemande dans notre ville : 54 inscriptions au goudron noir "Trinkwasser" pour indiquer les maisons qui disposaient d'une eau potable, une marque en rouge "Wasserabkochen" soit eau à bouillir et une inscription "Keller für ... Mann" dans le centre-ville pour signaler une cave qui servait d'abri en cas de bombardements. Il reste aussi quelques rares photos de la visite du Kaiser Guillaume II à Seclin entouré de ses troupes en 1918 devant la maison du maire Achille Desurmont dont la demeure avait été réquisitionnée par les officiers allemands... et de son passage éclair lors de sa retraite en 1918. Des maisons et usines ont été détruites par l'armée allemande lors de sa déroute et la collégiale Saint-Piat a été dynamitée : le clocher mis par terre a dû être reconstruit après guerre. L'hôpital Marguerite de Flandre est quant à lui resté sur pied : comme il avait accueilli les blessés allemands, il a été épargné par l'occupant et les Anglais ne l'on pas bombardé car une une croix était peinte sur les toits.
Les Anglais en libérateurs
Le calvaire se termine en 1918 avec la défaite de l'armée allemande. Les Anglais arrivent en libérateurs. Une borne implantée à l'entrée de Seclin, route de Gondecourt, est inaugurée le 11 novembre 1927. Elle porte l'inscription suivante : "Seclin. Ici passa le 17 octobre 1918 au matin un éclaireur du 1/8 Rgt anglais "The King's" Liverpool. précédant les armées de la victoire, il apportait à Seclin opprimé depuis 4 ans la nouvelle de la délivrance".
218 noms gravés sur le Monument aux Morts
Les Seclinois honorent après le conflit les soldats de la commune morts sur les champs de bataille pendant la première guerre mondiale. Le Monument aux Morts est érigé près de la collégiale Saint-Piat et inauguré le 13 mai 1923. Il est l'œuvre du sculpteur lillois Charges Caby et de l'architecte Victor Mollet. Sur ce monument dédié "Aux héros de la Grande Guerre", 218 noms de Poilus sont gravés sur trois de ses faces. Les noms de soldats tombés lors des conflits suivants ont également été gravés au fil des décennies. Ce monument emblématique a été restauré en 2021 de belle manière par la Ville de Seclin. Au cimetière du centre se trouve un monument aux morts cénotaphe dessiné par l'architecte Victor Mollet et un carré militaire des soldats seclinois tombés en 1914-1918, également mis en valeur par la commune.
À la fin de la guerre, au cimetière du centre, la ville a accepté que l'Etat installe un cimetière militaire allemand de soldats de la première guerre mondiale avec un millier de tombes dont celles de 4 prisonniers russes : cet espace est entretenu par l'Allemagne selon les accords internationaux passés. Après la seconde guerre mondiale, la commune refusera cependant sur son sol un nouveau cimetière militaire allemand du fait des massacres perpétrés en 1944 au Fort de Seclin et le 2 septembre 1944 dans la commune à la veille de la Libération. Aujourd'hui, dans le cadre du tourisme de mémoire, des Allemands viennent parfois se recueillir dans le cimetière militaire auprès d'un membre de leur famille : des visites tout ce qu'il y a de plus pacifiques.